Une fleur de myosotis bleu
dont un pétale se détache vers le haut sans tomber
La fleur de myosotis dit : « ne m’oubliez pas »
Le pétale qui se détache sans tomber dit :
« même si je ne peux m’attacher à vous »

Bienvenue sur le site de
PETALES Belgique

Le site de l’association de Parents d’Enfants présentant des Troubles de l’Attachement,
L
igue d’Entraide et de Soutien

Notre Histoire

Quand fin de l’année 2000, les parents qui allaient devenir les membres fondateurs de PETALES se sont rencontrés pour la première fois avec l’aide de WAT NU ?, une association de parents flamands, nous arrivions tous avec un paquet d’incompréhension très lourd, de fatigue extrême, de désespoir.

Que nous était-il arrivé ?  Pourquoi cet enfant que nous avions désiré, que nous aimions, que nous essayions d’éduquer avec tout notre cœur, comme nos autres enfants pour ceux qui en avaient d’autres, pourquoi n’arrivions-nous pas à avoir une relation harmonieuse avec lui, pourquoi n’arrivions-nous tout simplement pas à l’éduquer ?  Beaucoup d’entre nous avaient d’autres enfants qui allaient bien.  Ce n’était donc pas incompétence.  Nos situations  sociales, nos niveaux culturels, nos opinions  philosophiques, nos modèles familiaux étaient tous différents.  Toutes ces raisons si souvent ciblées, autant que  la précarité, n’entraient donc pas dans les raisons fondamentales de la situation, même si elles pouvaient l’influencer.

Nous avions d’autre part, tous, appelé à l’aide et épuisé tout ce qui existait alors en Communauté française de Belgique.  Des praticiens, psychologues, pédagogues, médecins, logopèdes, psychomotriciens, psychiatres, l’Aide à la Jeunesse, sous toutes ses formes, et donc aussi les institutions, quand il s’est avéré que nous ne pouvions même plus protéger cet enfant, ni en  protéger nos autres enfants, ni nous-mêmes.
Mais rien, rien  ne nous a été proposé.  A part des « cela va s’arranger, il ou elle est si intelligent ». C’est vrai, ils le sont, « un déclic va venir ».  Déclic que nous avons eu la faiblesse d’espérer et que nous attendons d’ailleurs tous toujours. Ou encore « vous êtes peut-être trop ceci et pas assez la même chose ». Mauvais parents, peut-être, mais mauvais en quoi ?   Des parents se sont même entendu répondre par un délégué de l’aide à la jeunesse à qui à bout de recherches,  ils avaient recours: « le problème c’est que tout ce que je pourrais vous proposer, vous l’avez déjà mis en place. »
Oui, nous n’étions dans aucune des « cases » connues par les intervenants et ils ne pouvaient rien pour nous.
Pendant ce temps les enfants grandissaient.  Pour tous, la vie familiale était devenue intenable et les autres enfants en pâtissaient gravement. Nous ne savions pas quoi faire, nous n’y comprenions rien. Des couples qui semblaient solides n’y ont pas résisté. Les crises et la violence de l’enfant se multipliaient pour des raisons généralement anodines et qui parfois nous échappaient totalement.  « Mais enfin qu’est-ce qui lui arrive ? Il avait l’air content quelques secondes avant » et rien ne semblait s’être passé entre le moment de contentement et l’explosion.
Souvent depuis tout petit, l’enfant désorganisait, déstructurait tout.  La vie familiale, les objets, le temps, les relations avec ses proches, jouant souvent un de ses parents contre l’autre, ses parents contre le reste de la famille, et puis contre le reste  de la société, déstructurant  bientôt sa scolarité jusqu’à épuiser rapidement les enseignants et petit à petit, le rejet social de cet enfant s’organisait autour de la question : « qu’est-ce qui se passe à la maison pour qu’il soit comme cela ? ».  Puisque bien sûr, l’idée reçue est qu’un enfant qui a de bons parents va toujours bien. Si c’est un préalable important, c’est cependant beaucoup plus complexe. Cela ne suffit pas.

Et là, tout à  coup, dès cette première rencontre, à Namur, en novembre 2000, un choc ! Nous ne nous connaissions pas et racontions tous les mêmes histoires. Nous découvrions aussi que tous ceux de nos enfants qui allaient si mal avaient vécu une rupture importante au début de leur vie.  Tous. Bien sûr, il y avait des familles adoptives, des familles d’accueil.  Il y avait aussi des naissances très difficiles où parfois la mort s’était rapprochée, des couples qui avaient connu de grandes difficultés pendant la période prénatale jusqu’à parfois vaciller même si pour certains les épreuves les avaient consolidés. Des grands prématurés, séparés de leur mère dès la naissance pour les sauver ; des mamans malades qui n’ont pas pu tout de suite assumer leur rôle, même si elles en étaient très malheureuses ; des parents qui avaient été séparés de leur bébé pour le mettre en sécurité quand « hors de Belgique », ils s’étaient trouvés pris dans un conflit.
Aucun de nos enfants n’avait échappé à une sorte de rupture et tous avaient des comportements insupportables, ingérables et destructeurs pour eux et pour toute la famille. Et tout l’amour que nous avions apporté pour réparer cette rupture n’avait pas suffi. Au contraire nous semblait-il.

Nos amis flamands nous ont parlé de Bowlby et de la théorie de l’attachement élaborée dès les années 40. Mais en 2000 personne n’en parlait.  Enfin une clé ? Nous nous sommes mis à étudier et plus nous avancions, plus nous reconnaissions nos enfants. En avril 2001, nous avons créé l’asbl PETALES, Parents d’Enfants présentant des Troubles de l’Attachement, Ligue d’Entraide et de Soutien. Nous nous sommes organisés en groupes par région qui depuis 19 ans maintenant se réunissaient tous les mois en groupes de parole. Nous discutons des situations particulières de chacun, nous les analysons à la lumière de la théorie de l’attachement que nous continuons à approfondir avec toutes les nouvelles recherches, cherchant comment, par quelles attitudes parentales, construire ou reconstruire la sécurité interne de chaque enfant particulier dans chaque famille particulière. Comment construire sa confiance en ses figures d’attachement principales, ses parents, nous.

Au début, nous avons bien évidemment travaillé à partir de John Bowlby et Mary Ainsworth et les différents modes d’attachement qu’ils proposaient.   Nous reconnaissions toute la méfiance que nos enfants avaient en nous – et cela même s’ils nous aimaient – et toutes les stratégies qu’ils déployaient pour se protéger eux-mêmes de nous et du monde. Cela pouvait aller de l’évitement total à de grandes violences. Et en prenant eux-mêmes en charge leur propre sécurité, ou ce qu’ils croyaient l’être,  il ne leur restait guère d’énergie pour d’autres occupations, les apprentissages,  la scolarité. Beaucoup iront même très jeunes vers une déscolarisation définitive.

Pourtant, malgré cette découverte des bases de l’attachement beaucoup de questions restaient sans réponses. Nous observions nos enfants.  Bien sûr, ils n’avaient pas vraiment confiance en nous, ils s’opposaient, nous mesuraient les uns aux autres, refusaient toutes nos propositions. Ils pouvaient, pour certains, suivre un inconnu sans angoisse, disparaître dans les parcs, dans les grandes surfaces. Sans prévenir. Sans même s’inquiéter que nous ne soyons plus là. Sans pleurer.  Loin de leurs yeux nous  n’existions simplement plus. Beaucoup de fugues plus tard ont d’ailleurs cette explication. Ce qu’on appelle la permanence de l’objet ne s’était pas inscrite pour la plupart d’entre eux. Mais il n’y avait pas que cela.  Ils n’avaient aucune perception du temps, ni de l’espace, l’Autre n’existait pas pour eux comme Autre.  Un acte ne se rattachait jamais à ses conséquences.  Une décision prise à un moment n’avait plus de sens pour eux le moment venu de l’appliquer. Même si c’était très peu de temps plus tard. Et nous devenions des agresseurs capricieux de vouloir concrétiser un projet, même et parfois surtout si c’était un projet que nous avions élaboré ensemble et qui leur plaisait.
Ils ne s’y  retrouvaient ni dans leurs émotions ni bien sûr dans celles des autres et pouvaient avoir  alors des réactions parfaitement inopportunes devant la douleur de quelqu’un.

En quoi cela concernait-il la blessure de la rupture ? Comment nous y retrouver, nous les parents et voir alors comment agir ?

C’est alors que nous avons découvert que la rupture n’est pas seulement une blessure. Quand elle se passe si jeune, elle devient le prototype de ce qui est normal, vivable, connu, inséré dans toutes ses fibres et qui maintenant le détruit.   Et comme chacun retourne vers son berceau pour y retrouver sa connaissance du monde, sa sécurité originelle, son « connu »,   les enfants qui ont vécu une rupture importante au début de leur vie vont essayer, pour se sentir en sécurité dans ce connu, de la reproduire tout au long de leur vie. Tout au long de leur croissance et à  l’âge adulte aussi.

De plus cette rupture n’a pas permis des découvertes fondamentales au bon moment.
J’aime rappeler cette phrase de Reine Vander Linden dans un numéro du Ligueur : « Le drame des bébés, c’est qu’ils s’adaptent, mais en s’adaptant ils utilisent toute l’énergie dont ils auraient besoin pour d’autres acquisitions ».  C’est vrai, nos bébés ont tous dû s’adapter à une situation trop lourde pour eux.  Et pendant ce temps ils ne pouvaient s’occuper d’autres acquisitions.  Comme les structures psychiques de base.  Certains n’avaient même personne pour participer avec eux à ces découvertes et leur donner un sens.  Mais comme ils se sont adaptés, souvent les adultes n’ont pas vu le drame venir.  Ils se sont dit  que le problème était  réglé ou même qu’ils étaient « résilients ».

Cela fait donc 29 ans (28ans pour Wat Nu ?, l’association de parents flamands et 19 ans pour PETALES) qu’en Belgique des parents étudient l’attachement tout en observant et en essayant de comprendre leurs enfants.  En essayant aussi de se faire entendre par les intervenants et les pouvoirs publics.

Malgré cela, beaucoup d’intervenants disent encore que c’est tout neuf, ou que c’est une mode, ou même un fourre-tout. Or,  c’est seulement la base du psychisme humain.

Un changement important est cependant en train de s’opérer. Des rencontres de plus en plus nombreuses nous donnent espoir de trouver ensemble des solutions.

Nos enfants investissent la société dans toutes ses institutions.  Ils ont besoin de thérapeutes, d’éducateurs, d’enseignants, et même de juges et d’avocats bien au fait de l’attachement et de ses troubles.
Leurs parents ont besoin d’être accompagnés pour construire la sécurité interne de leur enfant.
Tous les intervenants dans la vie de nos enfants devraient connaître suffisamment l’attachement et ses troubles pour qu’un dialogue avec les parents permette de construire ensemble cette sécurité interne.

Un dialogue d’adultes à adultes est à la fois important pour avancer mais aussi pour contenir, sécuriser ces enfants.

Puisse ce site y contribuer.

Janvier 2020