Une fleur de myosotis bleu
dont un pétale se détache vers le haut sans tomber
La fleur de myosotis dit : « ne m’oubliez pas »
Le pétale qui se détache sans tomber dit :
« même si je ne peux m’attacher à vous »

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PETALES Belgique

Le site de l’association de Parents d’Enfants présentant des Troubles de l’Attachement,
L
igue d’Entraide et de Soutien

C’est quoi Aimer un enfant avec des troubles de l’attachement ?

Aimer est un mot qui recouvre beaucoup de significations très différentes. C’est toujours un sentiment vers quelque chose ou quelqu’un qui nous apporte une satisfaction, qui nous amène à un choix.
Le croissant ou le bol de céréales du matin, la mer ou la montagne, le cours de math plutôt que celui de géographie, une profession plutôt qu’une autre. Une œuvre d’art, un livre, un film.  Cette femme, ou cet homme, unique pour nous.  Nous disons : j’aime.
Mais déjà ici, il y a une grande différence.  On dit j’aime pour le petit déjeuner ou pour l’amoureux, mais cela implique des sentiments très différents, des attentes  et un engagement très différents.
Le croissant n’a pas de grandes émotions à la façon dont on s’en sert et ne s’inquiète pas de ce qu’on pourrait lui apporter.
L’ami, l’amoureux, si bien sûr. Et il  ne pourra répondre à nos attentes que si nous sommes capables de répondre aux siennes.

On dit aussi «  j’aime mon enfant ».  Le même mot, qui recouvre beaucoup d’attentes et d’émotions et cependant qui veut dire des choses très différentes.
Aimer un enfant ne se trouve pas dans une relation égalitaire, mais dans une relation hiérarchique.
Lui est le petit qu’il faut protéger pour lui assurer sa vie, physique et psychique. Nous sommes l’adulte qui doit le lui apporter.  Et ce que lui peut ou pas nous apporter ne conditionne pas l’engagement que nous avons vis-à-vis de lui ni l’amour que nous avons pour lui.
Aimer un enfant dont on a la charge n’exige pas de lui qu’il nous aime, sinon on le quitte.
Aimer un enfant va au-delà de nos propres sentiments et parfois contre nos sentiments.  A ma connaissance, c’est le seul sentiment d’amour gratuit possible.
On ne peut rien en attendre  même si souvent on en reçoit beaucoup avec bonheur.  Souvent, mais pas toujours. 

Aimer un enfant c’est donc au-delà des sentiments, répondre à ses besoins, physiques, psychiques, affectifs.

Que veut dire alors aimer un enfant qui a des troubles de l’attachement ?  Comment répondre à ses besoins physiques, psychiques, affectifs ?

Cela revient à se centrer uniquement sur ses besoins en  « oubliant » nos élans de cœurs, notre affectivité pour ne s’intéresser qu’à ses capacités à les recevoir.
Aimer un enfant qui a des troubles de l’attachement, c’est donc aimer moins émotivement, mettre son cœur en poche pour accueillir ses sentiments conflictuels et indéterminés, les décoder avec lui, les empêcher de se mêler à nos propres sentiments, bien rangés.  Pour qu’il puisse reconnaître ses sentiments et leurs conflits et  les mettre en ordre avec notre aide.
Aimer un enfant avec des troubles de l’attachement c’est donc manifester beaucoup moins nos propres sentiments pour le protéger, contenir les siens et lui permettre un jour de les partager avec d’autres.
C’est à la fois aimer moins et aimer beaucoup plus.

Notre attitude de prévention et de protection est généralement mal comprise par la société, par les intervenants qui nous jugent comme parents froids et sans cœur.  Normal alors que l’enfant aille mal.
Cette attitude nécessaire, puisqu’elle n’est pas comprise   est donc sabotée régulièrement par tous ceux qui interviennent dans la vie de l’enfant.

Pour recevoir et rendre des relations affectives il faut une base de sécurité.

C’est notre travail de parents, c’est à cela que nous nous attelons pour nos enfants à l’attachement insécure. Nous gardons une distance affective respectueuse, en faisant violence à nos élans spontanés vers cet enfant.  Mais nous savons que nos manifestations « normales » sont envahissantes, insupportables  pour quelqu’un qui a des troubles de l’attachement, c’est d’autre chose qu’il a besoin.  C’est autre chose que nous essayons de lui donner.

C’est ça vraiment l’aimer ! Et cela n’a rien de confortable.

Nous attendons aussi cette distance affective de tous ceux qui interviennent dans la vie de nos enfants.  Qu’ils acceptent eux-aussi ce retrait pour protéger l’enfant.  Qu’ils ne s’imaginent pas remplir le vide affectif d’un amour que les parents sont incapables de donner.  Cela arrive souvent et  c’est dramatique.

D’autant que les enfants –  et les autres, les plus grands  – qui ont des troubles de l’attachement s’adaptent très bien aux comportements des autres, captent très bien leurs attentes et peuvent avoir sans problèmes des comportements qui répondent tout à fait justement à nos manifestations affectives.  En tout cas pendant un temps, avant d’exploser par suffocation.
Le mimétisme dont sont capables ceux qui souffrent de troubles de l’attachement est extraordinaire.  C’est un moyen d’adaptation et de survie.  C’est un moyen de contrôle aussi. Nous tombons souvent dans le piège et une vigilance permanente est nécessaire.

Ce que nous leur devons, pour qu’un jour des relations affectives, réelles, qui ont un contenu leur soient possibles, c’est la construction d’une base de sécurité interne.  Ou petit à petit, le JE leur soit possible.  Qu’ils puissent différencier leurs sentiments de  ceux de quelqu’un d’autre, qu’ils puissent entrer dans une vraie relation et puis un jour dans une relation affective réelle, peut-être aussi dans une relation affective continue.
C’est notre but en « mettant notre cœur en poche ».  Et nous avons besoin pour cela « de tout le village » dans les mêmes dispositions.

Aimer un enfant qui a des troubles de l’attachement, c’est aussi refuser qu’il nous détruise.
C’est quelque chose de très difficile à comprendre pour beaucoup de parents. Et même quand on l’a compris, c’est quelque chose de très difficile à mettre en œuvre.  Cet être violent, qui peut porter la main sur nous, qui vole, qui fuit, qui nous met dans des situations juridiques, financières, insurmontables, qui détruit tout ce que nous essayons de construire pour lui, qui refuse toute perspective de vie –  surtout celles qui lui plaisent, ne parlons pas de celles qui nous plaisent –  cet être c’est aussi notre bébé.  Celui qu’on a aimé, cajolé, celui en qui nous avons mis beaucoup d’espoir pour sa vie future.

C’est difficile de renoncer à ne pas être tout puissant pour le bien de son enfant.
Et pourtant, c’est de cela qu’il a besoin.
Des parents qui acceptent que leur enfant les détruise ne peuvent plus être la base de sécurité dont il a besoin.
Ici, aimer, c’est ne plus aimer.  « Je suis ta base, je ne suis pas ton jouet ».

Il y a des parents qui perdent leur emploi, qui font des dépressions, des maladies graves, qui perdent leur logement, qui se retrouvent en prison, dont le couple explose  mais qui Aiment, avec un grand A.
Sans comprendre que l’enfant qui les détruit ira jusqu’au bout, jusqu’au moment où il trouvera un mur solide qui l’empêche d’aller plus loin et s’il n’en trouve pas les parents disparaîtront et lui n’ayant pas trouvé de contenant, continuera à le chercher en allant vers d’autres – fragiles aussi sans doute – et continuera de détruire.

Jean-François Chicoine dans une conférence : « lien d’attachement, des solutions à hauteur des familles »(1) nous disait : « On nous parle toujours d’amour, mais l’amour est un sentiment beaucoup plus  mature que la confiance. »  Il nous faut donc prioritairement travailler la confiance.  Et la confiance s’installe dans la répétition sans rupture de tous les gestes, de tous les soins, dans la continuité de ceux-ci et de la personne qui les prodigue et dans la prévisibilité pour l’enfant du comportement des adultes et de ce qu’il peut en attendre.  Précisément.

Le petit singe du conte a sorti le poisson de l’eau pour le protéger de la noyade. Et bien sûr le  poisson est mort. C’est ce que ce petit singe connaissait de la vie. D’après ce qu’il était lui, c’est à dire un  être possédant une respiration aérienne.  Et c’était la première fois qu’il voyait un poisson.  Il ne pouvait imaginer que certains êtres vivants avaient une respiration aquatique, qu’ils ne pouvaient prendre leur oxygène que dans l’eau.
Combien de nos petits poissons n’étouffons-nous pas – que nous soyons parents ou intervenants – en les obligeants à vivre selon un mode d’attachement plus habituel pour nous mais qui n’est pas le leur, leur manière de s’être construits, adaptés pour survivre ? En croyant bien faire, nous les étouffons par notre mode relationnel, normal pour nous, chaleureux, mais encore tout à fait inassimilable pour eux.

C’est en poursuivant notre recherche pour mieux comprendre que nous pourrons les aider à construire une confiance de base et à se débarrasser, au moins un peu, de ces troubles de l’attachement qui ne leur serviront plus à rien.

Bernadette Nicolas